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Les droits des usagers 20 ans après la loi Kouchner : regards croisés d’experts, d’universitaires et de représentants d’usagers pour replacer le patient au cœur du système de santé

Publié le 4 mars 2022
Mis à jour le 24 mars 2023

 

Mercredi 2 février 2022, l’Ordre National des Infirmiers (ONI) a organisé un colloque digital sur le thème : « 20 ans après la loi Kouchner où en sont les droits des usagers ? » réunissant experts, universitaires et représentants des usagers. L’occasion de faire le bilan sur le dispositif législatif actuel mais aussi d’échanger de manière concrète sur les évolutions nécessaires à une meilleure prise en compte des droits des patients. Synthèse des échanges.

 

 

Ce colloque a été organisé à un moment clé, à la croisée des anniversaires de deux textes fondateurs pour les droits des patients : la loi du 4 mars 2002 (Loi n° 2002-303) relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite « loi Kouchner » et la loi du 2 janvier 2002 (LOI n° 2002-2) rénovant l’action sociale et médico-sociale. Ces textes de loi et leurs décrets d’application sont inclus dans le Code de la santé publique (CSP) et le Code de l’action sociale et des familles (CASF).

À l’époque, l’objectif fixé par le Ministre de la Santé était de « passer d’un système de professionnels à un système orienté vers l’individu ». Aujourd’hui, où en sont les droits des usagers ?

 

Les professionnels infirmiers, garants du respect des droits des patients

 

M. Patrick Chamboredon, Président de l’Ordre National des Infirmiers a d’abord mentionné le rôle central que jouent les infirmiers auprès des patients, afin de respecter leur dignité, leur intimité, mais aussi de les informer sur les soins apportés. Il s’est d’ailleurs « félicité du peu de difficultés remontées au sein des chambres disciplinaires du conseil de l’Ordre sur ces sujets de relations soignant/soigné ».  

M. François Vialla, Professeur de Droit privé et sciences criminelles, Directeur du Centre Européen d’Etudes et de Recherche Droit et Santé CEERDS, a ensuite présenté le contexte socio-politique et l’évolution du cadre légal reconnaissant la légitimité des droits des patients, individuels et collectifs.

 

Professeur F. Vialla et M. Patrick Chamboredon au colloque "Droits des Usagers"

 

Les usagers, les ordres de santé et l’administration, au cœur de l’application de ces lois

 

M. Gérard Raymond, Président de France Assos Santé, a souligné les avancées apportées par la loi de 2002 mais aussi le chemin qu’il reste à parcourir. Il a insisté sur l’importance de la démocratie sanitaire et l’urgence de garantir une meilleure représentation des usagers, en leur donnant « plus de pouvoir et de moyens (…) pour être de vrais acteurs de l’évaluation des établissements de soins ».

Patrick Chamboredon a ensuite rappelé le rôle de l’ONI dans la bonne application du droit des patients, en tant qu’organisme de contrôle et de régulation de la profession, en s’appuyant sur la moralité, la compétence et l’indépendance professionnelle.

Mme Alexandra Fourcade, Cheffe du service droits des usagers à la Direction générale de l’Offre de soins (DGOS) a enfin développé le rôle et les missions de la DGOS qui prend en compte l’expérience patient dans l’élaboration des politiques publiques de santé.

 

Le droit d’accès au traitement et aux soins et le principe de non-discrimination : simple en théorie mais difficile en pratique

 

M. Yves Doutriaux, Conseiller d’État, a rappelé que les ordres disposent de codes de déontologie et d’instances dédiée pour garantir l’accès aux soins de manière non discriminatoire, de fait « les chambres disciplinaires ont été assez rarement été saisies ». Le droit à l’informationsur les grandes questions de santé publique et sur les professionnels de santé doit être renforcé, comme le démontre les travaux menés sur « les Règles applicables aux professionnels de santé en matière d’information ».

M. Olivier Smallwood, avocat et ancien élève du CEERDS a souligné que si « l’accès aux soins est un droit fondamental présent dans le code de la santé publique et celui de l’action sociale et de la famille », il existe dans les faits au sein du secteur médico-social de réelles difficultés, avec le refus d’accueillir des patients :« un accès aux soins oui, mais dans la limite des moyens disponibles ».

M. François Vialla, Professeur de Droit privé et sciences criminelles a suggéré qu’une « simplification des procédures serait peut-être bienvenue » et interrogé cette notion d’égalité d’accès aux soins : « l’égalité ne fait pas la similitude, il faut choisir entre l’égalité arithmétique et l’égalité proportionnelle qui permet de traiter différemment des situations différentes, sans discrimination ».

En tant que grand témoin, la députée du Loiret et médecin rhumatologue, Mme Stéphanie Rist, a développé les évolutions nécessaires à une meilleure prise en charge des patients et dressé un bilan des actions du quinquennat, notamment « pour davantage de coopération et de coordination entre les professionnels de santé ». Elle a également reconnu que « l’attractivité des métiers reste encore une question à traiter, notamment pour les professionnels non médicaux ».

 

Le défi du respect des libertés fondamentales et du consentement éclairé du patient 

 

M. Bruno Py, Professeur de Droit privé et sciences criminelles à l’Université de Lorraine a rappelé que la notion de consentement est apparue pour la première fois en 1804 dans le code civil, comme « manifestation de l’autonomie de la volonté de la personne » et en 1947 dans l’univers du soin avec le premier code de déontologie des médecins.

M. Frédéric Vezinhet, infirmier cadre de santé et membre du bureau du CNOI, spécialiste en Psychiatrie, a partagé son expérience du terrain : « la restriction de liberté inhérente à notre activité pose un dilemme éthique aux soignants pour concilier la protection du patient et le respect de ses droits et libertés ». Il a affirmé : « les professionnels de santé doivent faire preuve d’adaptation et toujours informer, même dans les situations les plus complexes ».

Les intervenants ont ensuite débattu de la notion de consentement dans le cadre de la prise en charge des seniors. M. Vincent Lautard, infirmier et juriste expert en Droit des Usagers, a insisté : « les résidents en EHPAD sont souvent atteints de troubles cognitifs, ils se retrouvent et collectivité imposée et ne peuvent pas donner leur consentement ». Vulnérabilité, maltraitance active ou passive, consentement de la famille … autant de sujets éthiques qui viennent questionner la notion de libre-arbitre des personnes malades en fin de vie.

 

Un patient davantage acteur de son parcours de soin et de la transformation du système de santé

 

Mme Sophie Beaupère, Déléguée Générale chez UNICANCER, a insisté sur le fait que « les évolutions techniques et médicales font évoluer la place des patients et de leurs aidants dans la prise en charge des soins ». De nombreuses initiatives se multiplient en établissement sur le terrain pour renforcer la participation des patients à la définition des parcours de soin en cancérologie et à leur évaluation.

Mme Béatrice Noëllec, directrice des relations institutionnelles à la FHP et déléguée générale de la fondation des usagers du système de santé, a interpellé : « les enjeux de qualité et de pertinence des soins ne se construiront pas sans les patients. Qui de mieux qu’un patient est capable de juger de la pertinence des soins qui lui sont prodigués dans l’amélioration graduelle de sa qualité de vie ? ».

M. Rudy Chouvel, responsable du pôle offre FHF, a mis en avant les nombreux contrôles effectués dans les hôpitaux par des organismes publics ainsi que les démarches qualité volontairement déployées pour améliorer le service rendu aux patients. Une vingtaine d’établissements pilotes en partenariat avec l’Institut Français de l’Expérience patient ont été mis en place afin de prendre davantage en compte la parole et le vécu des patients.

M.  Amah Kouevi, fondateur de l’IFEP, a souligné l’importance également de l’expérience des proches aidants, au regard du dernier baromètre de l’expérience patient.  Aujourd’hui, « l’enjeu est d’aller au-delà de cette notion de droit et de réfléchir à la manière dont l’expression des usagers peut être un service rendu au système de santé tout entier ». Selon lui, « les infirmiers ont un rôle majeur à jouer pour favoriser la participation des usagers à tous les niveaux ».

 

En conclusion, M. Patrick Chamboredon a indiqué que les débats ont permis d’aborder la portée et les limites de la mise en œuvre effective des droits des patients, mais aussi d’identifier des pistes d’amélioration des dispositions existantes pour les adapter aux nouveaux enjeux posés par les évolutions de notre système de santé depuis vingt ans.

 

 

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