Rencontre #16 : Quel regard des nouvelles générations sur l’évolution des compétences infirmières ?
« Quel regard des nouvelles générations sur l’évolution des compétences infirmières ? »
Synthèse de la conférence de l’Ordre National des Infirmiers
Jeudi 8 juillet 2021, l’Ordre National organisait une conférence en live autour du thème « Après la crise sanitaire, quel regard des nouvelles générations sur l’évolution des compétences infirmières ? », en présence de :
- Bleuenn Laot, Présidente de la FNESI,
- Gaëtan Casanova, Président de l’ISNI,
- Patrick Chamboredon, Président de l’Ordre National des Infirmiers. Synthèse des échanges.
Renforcer l’attractivité de la profession infirmière : une nécessité au regard des enseignements de la crise sanitaire
La crise sanitaire a mis l’ensemble des étudiants en santé à rude épreuve, en augmentant considérablement la charge de travail de ceux mobilisés en première ligne face au virus. « La crise sanitaire n’aurait pas été gérée de la même manière si les étudiants [en soins infirmiers] n’avaient pas été utilisés », précise Bleuenn Laot, présidente de la FNESI. Un constat partagé par Gaëtan Casanova, qui évoque des internes urgentistes et réanimateurs surchargés lors des vagues épidémiques.
La pandémie a également fragilisé la qualité de la formation des étudiants : tandis que les étudiants en IFSI ont été contraints d’apprendre un métier très pratique en distanciel, d’autres ont dû effectuer des stages peu accompagnés, faute de temps et de disponibilité de leurs collègues. La crise épidémique ayant entraîné de nombreuses déprogrammations, un certain nombre d’internes, en chirurgie par exemple, ont par ailleurs été privés de la pratique et du compagnonnage nécessaires à leur formation, générant ainsi de l’inquiétude chez ces professionnels. Enfin, Gaëtan Casanova a souligné l’incidence de la pandémie sur la santé mentale des soignants et l’épuisement de ces derniers. 25% des internes en médecine ont eu des pensées suicidaires rappelle-t-il. Toutefois, « les internes mobilisés auprès des patients s’en tirent mieux que les autres. C’est là qu’on voit le dévouement et ce qui anime les professions du soin, c’est que, bien qu’épuisés, le fait d’être au contact du patient, de se battre pour lui, ça a été un facteur de stabilité mentale ».
Un paradoxe naît ainsi de la crise : alors que le métier d’infirmier attire de plus en plus de lycéens, qui ont effectué un nombre record de demandes d’inscription en IFSI sur Parcoursup en 2021, les infirmiers sont de plus en plus nombreux à vouloir jeter la blouse. Citant un sondage mené par l’ONI auprès de la profession, Patrick Chamboredon rappelle ainsi que 4 infirmiers sur 10 déclarent qu’ils souhaitent quitter leur métier dans les cinq ans à venir, notamment faute de reconnaissance.
Quelles évolutions pour revaloriser la profession ?
Afin d’améliorer la situation des étudiants, Bleuenn Laot souhaite tout d’abord mettre en place « une évaluation systématique en fin de stage » afin d’identifier des axes d’amélioration favorables à une meilleure formation, et appelle à mieux indemniser les stagiaires.
Pour renforcer l’attractivité de l’ensemble de la profession de manière pérenne, Patrick Chamboredon appelle, lui, à une revalorisation globale du métier, au-delà de l’aspect financier. Cette revalorisation passera, en premier lieu, par la formation. Alors que le binôme médecin/infirmier continuera à perdurer, Patrick Chamboredon explique que l’expertise de l’infirmier doit être reconnue et « mise au goût du jour » et que « la formation doit évoluer par le champ universitaire ».
Tous les intervenants s’accordent par ailleurs à demander une revalorisation des compétences des infirmiers. Si les compétences de ces derniers ont été révélées lors de la crise, elles existaient déjà avant et occupent une place fondamentale dans le système de soins, souligne le président de l’ISNI : « Il ne faut pas croire que les infirmiers sont montés en compétences avec la crise : ils effectuaient déjà auparavant des gestes très techniques », explique-t-il. « Quand on arrive dans un service de réanimation, on comprend la très haute technicité du métier. Et la preuve c’est que quand on est jeune interne, qui va vous apprendre le BA-BA ? Un infirmier ou une infirmière ! ».
Outre les compétences techniques, les compétences en matière de santé préventive doivent être élargies, s’accordent à dire l’ensemble des intervenants. « Contrairement à la recherche, la prévention ne requiert pas dix ans d’études. Il faut accentuer les efforts déployés en termes de santé publique - sur la prescription vaccinale entre autres - et répondre aux attentes des patients en la matière », plaide Patrick Chamboredon.
Cette reconnaissance des compétences infirmières est un préalable au décloisonnement des professions, « salut du système de santé » selon Gaëtan Casanova. En effet, pour lui, il est nécessaire de bien comprendre que les compétences sont différentes et propres au métier : « tant qu’on ne changera pas le paradigme profond de ce qui nous forme, on n’arrivera pas à travailler avec les autres ». Par exemple, créer une pratique avancée infirmière aux urgences pour faire le travail du médecin serait une erreur ; en revanche, si le dispositif s’appuie sur des critères pertinents et répond à un besoin réel, il prend tout son sens, complète-t-il. Les conflits entre professionnels et la guerre des spécialités n’amènent rien de bon ; il faut les faire cesser, juge également Bleuenn Laot.
L’avenir du numérique au sein du système de soins questionné
La crise sanitaire a permis d’accélérer le virage de l’utilisation du numérique dans la santé. La pandémie de Covid-19 a été une opportunité pour expérimenter en temps réel les bénéfices des outils numériques, comme l’échange de données de santé en toute sécurité, explique Patrick Chamboredon. Si la pratique a également permis la continuité des soins, elle demeure toutefois, à date, restreinte aux technophiles, tous les patients et tous les soignants n’ayant pas un accès égal au numérique. Bleuenn Laot souligne également le rôle d’accélérateur joué par la crise sanitaire, sur le DMP par exemple. Toutefois, pour l’ensemble des intervenants, le numérique en santé ne peut s’imposer comme l’alpha et l’oméga : il est nécessaire de trouver « un juste milieu, en maintenant le lien humain ».
Retrouvez la vidéo complète de la Rencontre ci-dessous :