Parole d'infirmiers

Témoignage - Anne, infirmière à la retraite qui a rejoint un service de réanimation dans le Pas de Calais

Publié le 6 mai 2020
Mis à jour le 27 juin 2023
Paroles d’infirmiers

Au début de l’épidémie de la covid 19, nous avions souhaité lancer une série de témoignages d’infirmiers sur le terrain. 

Parce qu’il n’avait jamais été aussi important de partager ses craintes, ses doutes, ses difficultés mais aussi ses espoirs. Parce que témoigner c’était aussi permettre aux autres de se rendre compte qu’ils ne sont pas seuls à vivre cette situation. Parce que partager son quotidien c’était contribuer à la prise de conscience générale…

Ces témoignages ont permis de mieux faire connaître le rôle des infirmiers, aux quatre coins de la France, exerçant en établissement ou en ville, au plus près des patients pendant cette crise. Alors que l’épidémie se poursuit mais que les infirmiers continuent d’assurer toutes leurs missions quotidiennes, nous avons souhaité poursuivre cette série de témoignages, qu’ils soient ou non liés à la lutte contre le virus. Vous pouvez tous les retrouver sur notre chaine Youtube.

 

Témoignage de Anne, infirmière à la retraite qui a rejoint un service de réanimation dans le Pas de Calais :
06/05/2020

Comment se passe votre quotidien ?
« Je précise tout d’abord le contexte particulier de mon expérience pendant la crise : j’ai pris ma retraite le 1er janvier 2020, suite à 29 ans d’exercice en tant qu’infirmière dans un service de réanimation SMUR. Quand on m’a contactée en mars, au début de la crise du Covid, pour savoir si j’acceptais de reprendre du service en réanimation, j’ai immédiatement accepté. Pour moi, c’était une évidence.

J’ai donc retravaillé 6 jours en tant qu’infirmière dans un service de réanimation. Je suis arrivée un lundi, au début de l’épidémie. Il y avait alors 6 lits d’occupés. Dès la fin de la semaine, le service était plein. La vague est montée très vite. Les patients étaient dans un état grave : intubés, ventilés, sédatés et bien souvent curarisés. La plupart avaient dû être placés en décubitus ventral, ce qui nécessitait beaucoup de personnel pour effectuer ces manœuvres très délicates. Leur état se dégradait extrêmement vite, sans aucun signe avant-coureur. J’ai eu un patient dont la saturation a chuté tellement brusquement qu’on a d’abord pensé qu’il s’agissait d’un problème de capteur. Il n’était pas cyanosé et ne présentait pas de difficulté respiratoire importante. Après avoir changé plusieurs fois les appareils, nous avons constaté que sa saturation avait réellement dramatiquement chuté. Ces dégradations brutales étaient impressionnantes et stressantes. »

Quelles difficultés rencontrez-vous ?
« La première difficulté a concerné la mise en place du travail au quotidien. Pour répondre à l’afflux de patients, il a fallu compléter les capacités de réanimation habituelles de l’hôpital. Une salle de réveil a été transformée en service de réanimation Covid de manière très rapide. C’est dans cette salle que j’ai exercé. La mise en route a été difficile car nous n’étions pas structurés comme peut l’être un service rôdé. Il a fallu prendre vite ses marques par rapport aux patients, aux collègues, aux outils… On ne savait pas où était rangé le matériel, et il y avait très peu de place pour circuler autour des patients, qui étaient dans un état grave. C’était particulièrement stressant. Nous avions par ailleurs des respirateurs différents de ceux utilisés habituellement. Comme le service était sous tension, il était difficile de prendre le temps d’étudier leur fonctionnement. Au fil des jours, des aides-soignantes et des étudiantes infirmières sont venues en renfort. Elles étaient perdues. Elles auraient souhaité qu’on leur apporte plus d’aide, de la formation, un accompagnement plus approfondi mais nous manquions de temps pour le faire. C’était angoissant pour elles mais elles se sont bien adaptées.

Nous avons également eu des difficultés au niveau des équipements. Au départ, nous étions parfaitement protégés :masques adéquats, charlottes, surchaussures, blouses, gants… Au bout de 3-4 jours, il n’y avait plus de blouses correctes, seulement des blouses très fines, en tissu. Nous ne nous sentions plus correctement protégées.  Nous sommes aussi passées des casaques jetables à des casaques réutilisables, à laver à la blanchisserie. Toutefois, la plus grande difficulté pour moi a été l’organisation du service. Certaines infirmières qui étaient présentes n’avaient jamais fait de réanimation auparavant. C’est pourtant une compétence à part entière ! Quant à moi, qui était volontaire et compétente, j’ai été basculée vers un rôle d’aide-soignante au bout d’une semaine. J’étais très en colère. Je ne me suis pas sentie respectée, écoutée, reconnue pour mes compétences en tant qu’infirmière en réanimation. »

De quoi auriez-vous besoin ?
« J’aurais souhaité que l’on prenne davantage en compte les compétences et expériences de chacun. Être aide-soignante n’est évidemment absolument pas dégradant, mais pour être efficace il faut mettre les bonnes personnes au bon endroit. »

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