Témoignage - Delphine, infirmière libérale en Bretagne
Paroles d’infirmiers
Au début de l’épidémie de la covid 19, nous avions souhaité lancer une série de témoignages d’infirmiers sur le terrain.
Parce qu’il n’avait jamais été aussi important de partager ses craintes, ses doutes, ses difficultés mais aussi ses espoirs. Parce que témoigner c’était aussi permettre aux autres de se rendre compte qu’ils ne sont pas seuls à vivre cette situation. Parce que partager son quotidien c’était contribuer à la prise de conscience générale…
Ces témoignages ont permis de mieux faire connaître le rôle des infirmiers, aux quatre coins de la France, exerçant en établissement ou en ville, au plus près des patients pendant cette crise. Alors que l’épidémie se poursuit mais que les infirmiers continuent d’assurer toutes leurs missions quotidiennes, nous avons souhaité poursuivre cette série de témoignages, qu’ils soient ou non liés à la lutte contre le virus. Vous pouvez tous les retrouver sur notre chaine Youtube.
Témoignage de Delphine, infirmière libérale en Bretagne
16/04/2020
Comment se passe votre quotidien ?
« Aujourd’hui aucun de nos patients habituels n’a été touché par le Covid 19. Pour l’instant nous sommes préservés et j’espère que cela durera le plus longtemps possible. Au quotidien, nous avons un peu moins de patients car il y a moins de suivi post chirurgical. Certains de nos ainés sont également pris en charge par leurs familles. Mais l’amplitude horaire de nos tournées n’a pas changé, voire a augmenté. Pour une prise de sang, il m’arrive de rester plus de 30 minutes car le contexte est très anxiogène : les gens ont peur pour eux et pour leurs entourages et veulent comprendre ce qui se passe. Mon rôle est aussi de les écouter, de les rassurer et de leur donner des explications quand je le peux. Aujourd’hui, je reste plus longtemps pour presque tous les soins, car les gens ont besoin de parler, d’être écoutés…
Le changement d’habitude de vie leur est très pesant (solitude, l’acheminement des courses…). Tout doit être organisé et ce n’est simple pour personne. Mais une belle solidarité s’est mise en place ! J’ai récolté des tissus et un relai a été mis en place pour confectionner des masques, des surblouses, des charlottes en tissu. Une clinique vétérinaire nous a également donné des surblouses. Des patients m’offrent spontanément des œufs, des poireaux, un bouquet de lilas, ce qu’ils ont l’habitude de faire, mais aujourd’hui c’est encore plus touchant ! »
Quelles difficultés rencontrez-vous ?
« Il y a un mois, ma difficulté première était de trouver une organisation avec les médecins pour faire face au Covid mais, aujourd’hui, tout s’est parfaitement coordonné. Il a également fallu se voir et échanger avec mes collègues pour s’organiser au mieux, monter des tournées Covid si besoin, prendre le strict minimum pour aller chez chaque patient, organiser la désinfection du matériel (saturomètre, brassard pour la tension..), réorganiser notre coffre (aujourd’hui plus de place pour les courses ou pour les cartables de mes enfants !)… Le plus difficile, c’est le port systématique du masque. C’est un nouvel outil dans notre quotidien qui effraie certaines personnes. Nous devons donc expliquer que ce masque chirurgical sert à les protéger. Heureusement, beaucoup le comprennent et nous en remercient. J’ai entendu « enlevez votre muselière » et certaines personnes portent sur moi un regard pesant lorsque je fais mes courses. C’est difficile aujourd’hui de devoir me justifier et expliquer que je suis soignante auprès de tous (notamment les forces de l’ordre, qui n’ont ni masque ni gant et qui refusent que je leur en donne), de passer devant les gens quand je fais mes courses. L’avantage, en revanche, c’est que je trouve un sens à avoir une carte professionnelle de santé !
Aujourd’hui, je suis fatiguée physiquement. Je profite de chaque jour de repos pour essayer de ne rien faire, ce qui n’est pas simple en cette période Covid . J’ai hâte d’avoir l’esprit libéré, de ne plus m’inquiéter pour l’avenir, pour les patients, pour mon entourage. Hâte que l’on mette tous fin à ce Covid… »
De quoi auriez-vous besoin ?
« Juste besoin que ce virus n’existe plus. A partir de là, tout deviendra plus simple. »