Parole d'infirmiers

Témoignage - Muriel, infirmière libérale dans les Hautes-Alpes

Publié le 14 avril 2020
Mis à jour le 27 juin 2023

[Parole d’infirmiers]

Au début de l’épidémie de la covid 19, nous avions souhaité lancer une série de témoignages d’infirmiers sur le terrain. 

Parce qu’il n’avait jamais été aussi important de partager ses craintes, ses doutes, ses difficultés mais aussi ses espoirs. Parce que témoigner c’était aussi permettre aux autres de se rendre compte qu’ils ne sont pas seuls à vivre cette situation. Parce que partager son quotidien c’était contribuer à la prise de conscience générale…

Ces témoignages ont permis de mieux faire connaître le rôle des infirmiers, aux quatre coins de la France, exerçant en établissement ou en ville, au plus près des patients pendant cette crise. Alors que l’épidémie se poursuit mais que les infirmiers continuent d’assurer toutes leurs missions quotidiennes, nous avons souhaité poursuivre cette série de témoignages, qu’ils soient ou non liés à la lutte contre le virus. Vous pouvez tous les retrouver sur notre chaine Youtube.

Témoignage de Muriel, infirmière libérale dans les Hautes-Alpes
14/04/2020

Comment se passe votre quotidien ?
« Dans notre quotidien, nos tournées se sont allégées par la force du confinement. Les familles ont pris le relai de nos passages pour soins infirmiers : préparation et délivrance des traitements et des soins d’hygiène, car ils ont eu peur d’une part que nous soyons vecteurs du virus, ce qui est légitime, et pour nous libérer du temps.

Pour autant, nous travaillons plus de 12 heures par jour, nous changeons trois fois de masque, nous rentrons chez nous épuisés. Au quotidien nous faisons face au stress et à une réflexion perpétuelle sur le comment nous procédons, sur les consignes que nous donnons aux familles, aux patients. Nous rassurons. Devant notre pas-de-porte, une serpillère imbibée d’eau de javel, nous mettons pantalon et veste au lavage et prenons systématiquement une douche entre deux tournées Covid19+ ou suspects et classiques. Je plains les collègues du Grand-Est et de la région parisienne. »

Quelles difficultés rencontrez-vous ?
« Nous travaillons avec le stress sur cette vallée depuis le 17 mars. Les masques nous manquent, les surblouses (seulement 12 !) récupérées antérieurement lors de débranchement de chimio ou de perfusions. Nous n’avons pas de lunettes, pas de surchaussures. Nous venons de prendre en charge des patients covid19+ sortis de secteur hospitalier et traités par Plaquenil 200 trois fois par jour. Et des patients suspects, venus d’ailleurs en France pour échapper à la foule des villes. Nous prenons toutes les mesures drastiques qui s’imposent avec les moyens que nous avons et qui vont fondre comme neige au soleil - car la fréquence du suivi et de la surveillance biologique chez les patients covid19 + à domicile est de plus de trois fois par semaine sur 14 jours. Nous avons peur et heureusement car nous nous questionnons sur les gestes pratiqués : si on a tout bien fait et a-t-on touché ceci, cela ?… Avons-nous bien désinfecté la sacoche ? La famille, le patient ont-ils bien compris les consignes de confinement, les précautions à mettre en œuvre à la maison pour les proches… Nous rassurons, nous prévenons qu’il est possible de nous rappeler si une question, un problème se posaient.

Autre difficulté : les auxiliaires de vie ne se déplacent presque plus, voire plus du tout chez les patients en perte d’autonomie. Nous voyons s’accumuler notamment chez les patients psy la vaisselle, la saleté, le linge sale etc. Même la caisse du chat n’est plus vidée…
Les kinés ne viennent plus à domicile, nos patients hémiplégiques, parkinson, pathologie rhumatismale invalidantes, après plus de dix jours de confinement tous se raidissent. Nous avons de plus en plus de mal pour les mobiliser, les laver et leur moral est en berne. »

De quoi auriez-vous besoin ?
« Sur le grand briançonnais, nous essayons avec les libéraux de la santé, pharmaciens, médecins, cabinets infirmiers, kinés, de monter une CPTS et nous sommes identifiables par l’ARS Gap. De ce fait toutes les infos sérieuses des Ordres et des ARS, URPS, Haut Conseil de santé, ministère des Solidarités et de la Santé circulent sur notre email CPTS. Les médecins qui ont moins de consultations redistribuent les masques là où il y a pénurie, pareil pour le gel hydroalcoolique. Une équipe dédiée d’IDEL pour covid19+ sur la base du volontariat s’est montée sur chaque secteur. La solidarité prime.

Nous demandons à être testés pour être soulagés psychiquement et travailler avec moins de stress, sans diminuer notre vigilance et tout en continuant à pratiquer les bons protocoles barrières à cette propagation du virus. Nous craignons pour nos familles, nos proches et nos patients fragiles.

Nous avons besoin de connaître la vraie durée de vie de ce virus. Dans une voiture, est-ce que la désinfection du volant et du levier de vitesse est suffisante ? Quand on a marché sur un sol carrelé chez un patient symptomatique, nos chaussures vont-elles garder sous la semelle ce virus ? Les pédales de nos voitures sont sûrement contaminées. Les DASRI que nous transportons pendant 3 heures dans l’air confiné de l’habitacle transportent probablement aussi le virus. »

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