40.000 infirmiers interrogés par l’Ordre National des Infirmiers dressent un constat d’alerte
Alors que la France traverse une situation d’urgence, 40.000 infirmiers interrogés par l’Ordre National des Infirmiers dressent un constat d’alerte sur les difficultés d’accès aux soins dans les territoires et sur la nécessité de faire évoluer la profession infirmière dans l’intérêt des patients
41 024 infirmiers ont répondu à cette consultation réalisée par internet du 13 au 30 mai 2022 auprès de l’ensemble des infirmiers inscrits au tableau de l’Ordre.
Les 6 chiffres-clés de la consultation :
- 93 % des infirmiers sont inquiets quant à la situation en matière de soins sur leur territoire
- 77% affirment que la difficulté d’accès à un établissement de soins et aux professionnels de santé est le premier motif de préoccupation de leurs patients
- 68% estiment qu’il n’existe pas d’égalité d’accès aux soins dans leur territoire d’exercice
- 71% estiment qu’en exerçant leur métier, ils renforcent le lien social sur leur territoire d’exercice
- 65% pensent que leurs compétences et leur rôle auprès des patients ne sont pas reconnus
- 94 % jugent qu’il est urgent d’actualiser le décret qui encadre les compétences infirmières.
COMMUNIQUÉ DE PRESSE - Paris, le 1er juin 2022
L’Ordre National des Infirmiers a lancé une nouvelle consultation auprès de la profession infirmière, alors que les difficultés de recrutement, et surtout l’hémorragie d’infirmiers, sont de plus en plus aigües. Les infirmiers sont interrogés sur le regard qu’ils portent sur l’offre de soins sur leur territoire, mais aussi sur leurs conditions d’exercice au quotidien et sur les solutions concrètes pour réformer le système de santé et favoriser l’accès aux soins pour tous les patients.
Dans les territoires, un système d’accès aux soins qui est source d’inquiétude et d’inégalités pour les infirmiers comme pour les patients
Sur leur territoire d’exercice :
- 93 % des infirmiers se déclarent inquiets (dont 43% très inquiets) par rapport à la situation en matière de soins
- 96% estiment que les délais d’attente pour obtenir des rendez-vous avec les professionnels de santé sont longs
- 79% estiment qu’il y a beaucoup de fermetures de lits/ de services en établissement
- 75% jugent que l’accès aux services d’urgence est restreint/ difficile
- 68% considèrent qu’il n’existe pas d’égalité d’accès aux soins sur leur territoire d’exercice
- Une préoccupation partagée par leurs patients : interrogés sur les principaux motifs de préoccupation de leurs patients, les infirmiers citent en premier « la difficulté d’accès à un établissement de soins et aux professionnels de santé » (77%), loin devant le manque d’explications sur les parcours de soins (55%) ou l’appréhension de la dépendance pour soi-même ou pour ses proches (52%).
Alors que la France est confrontée à une pénurie d’infirmiers, ceux-ci sont perçus comme des acteurs de santé de proximité indispensables, mais en manque de reconnaissance et avec des conditions d’exercice difficiles
Dans ce contexte de difficultés d’accès aux soins, le rôle des infirmiers paraît essentiel :
- 97% pensent qu’ils sont des acteurs essentiels du maintien à domicile
- 74% pensent que la démarche « d’aller vers » les patients les plus âgées ou isolés répond aux enjeux de santé de leur territoire
- 71% estiment qu’en exerçant leur métier, ils renforcent le lien social sur leur territoire d’exercice
Si 8 infirmiers sur 10 se disent fiers d’exercer leur métier (82%), près des deux tiers des répondants (65%) regrettent que leurs compétences et leur rôle auprès des patients ne soient pas reconnus dans leur territoire.
Les conditions d’exercice de la profession sont cependant perçues comme difficiles, pouvant même être préjudiciables à l’intérêt du patient :
- 88% des infirmiers estiment que « les conditions d’exercice sont devenues plus difficiles que par le passé »
- 71% jugent qu’ils ne peuvent pas consacrer suffisamment de temps à chacun de leur patient
- 68% se déclarent insatisfaits de la coopération entre les professionnels de santé sur leur territoire d’exercice
- 61% ne sont pas satisfaits de l’équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle
Renforcer le rôle des infirmiers sur leur territoire d’exercice, dans l’intérêt immédiat des patients
Parmi les solutions proposées, plusieurs sont très largement soutenues par les infirmiers et considérées comme prioritaires pour améliorer le système de santé dans leur territoire :
- 80% des infirmiers jugent prioritaire l’application de ratios infirmiers par patient, de jour comme de nuit, en établissements ainsi qu’une meilleure prise en compte de la parole et du vécu des usagers dans leurs parcours de soins (80%)
- Un infirmier sur deux (51%) considère qu’il faut orienter l’exercice du métier d’infirmier vers une plus forte responsabilité populationnelle et redéfinir le rôle et la place des Agences régionales de Santé (50%).
Les infirmiers souhaitent également être davantage associés aux politiques de santé publique, en lien avec leur territoire d’exercice :
- Alors que 74% déclarent ne pas se sentir bien informés des politiques publiques de santé déployées sur leur territoire d’exercice, 52% estiment que les politiques de prévention ne sont pas adaptées aux spécificités de leur territoire d’exercice.
- 97% pensent qu’il faut impliquer davantage les infirmiers dans le déploiement des politiques de santé publique et 92% sont favorables au développement des compétences infirmières en matière de lutte contre les addictions.
- 84% pensent qu’il faut transposer plus rapidement les données de la recherche dans l’exercice clinique.
En matière de pratique avancée, une très large majorité des infirmiers souhaitent la création de nouvelles mentions dans le domaine du vieillissement et de la fin de vie (97%), des déterminants de santé (89%), et des problématiques de santé liées à l’environnement (87%).
Enfin, la représentation des infirmiers mérite d’être renforcée : 86% estiment qu’il n’y a pas assez d’infirmiers dans les instances de gouvernance des établissements de santé.
L’urgence de réformer, en s’appuyant sur la révision du décret-socle infirmier
- Invités à s’exprimer sur les réformes à engager pour le système de santé en France et dans leur territoire, six infirmiers sur dix pensent qu’en matière de santé, les constats sont connus : il faut prendre les mesures rapidement et engager les réformes prioritaires dans les 6 mois à venir, tandis que 30% estiment qu’avant d’engager des réformes, il est nécessaire de « mettre tous les acteurs autour de la table pour dialoguer à l’occasion d’une grande consultation sur la santé ».
- Adapter le décret infirmier s’impose comme une priorité : 94 % jugent urgent d’actualiser le décret qui encadre les compétences infirmières pour l’adapter à la réalité de leur exercice aujourd’hui.
- Parmi les évolutions souhaitées :
- 86% pensent qu’il faut favoriser la reconnaissance et le renforcement des soins relationnels effectués par l’infirmier.
- Conférer davantage de responsabilités aux infirmiers en matière de prévention et d’éducation thérapeutique, sans prescription médicale (70%), mais aussi davantage d’autonomie : développer la consultation infirmière sans prescription médicale (60%), permettre l’accès direct des patients aux infirmiers en ville et en établissement (59%), autoriser la prescription des actes simples (58%).
- Conférer aux infirmiers la mission de coordination du parcours patient, favorisant son orientation dans le système de soins est une priorité pour un infirmier sur deux. Une préconisation de l’Ordre qui recommande la création d’un infirmier référent.
« Cette consultation initiée par l’Ordre plonge dans le quotidien des infirmiers, sur leur territoire d’exercice, à l’heure où les inquiétudes concernant la permanence des soins sont particulièrement aigues du fait du manque d’infirmiers, notamment à l’hôpital. En identifiant les principaux motifs d’inquiétude relayés par leurs patients, en jetant un coup de projecteur sur leur perception des besoins en santé non couverts, les infirmiers dressent un constat d’urgence sur l’avenir de notre système de santé. Acteurs de santé de proximité, garants du lien social, ils déplorent cependant un manque de reconnaissance de leurs compétences, et appellent à une réforme d’urgence dont une majorité estiment qu’elle ne saurait être différée. La priorité est claire : le décret infirmier doit être révisé pour conférer plus d’autonomie à la profession, dans l’intérêt des patients et des soignants.
Le dossier est sur la table de la nouvelle ministre de la Santé. L’Ordre National des Infirmiers est au travail pour faire avancer cette réforme, qui doit être à la hauteur des attentes et des enjeux ».
Patrick Chamboredon, Président de l’Ordre National des Infirmiers
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Grégory Caumes – Ordre National des Infirmiers