Témoignage - collectif d'infirmiers libéraux, Bouches du Rhône
[Parole d’infirmiers]
Au début de l’épidémie de la covid 19, nous avions souhaité lancer une série de témoignages d’infirmiers sur le terrain.
Parce qu’il n’avait jamais été aussi important de partager ses craintes, ses doutes, ses difficultés mais aussi ses espoirs. Parce que témoigner c’était aussi permettre aux autres de se rendre compte qu’ils ne sont pas seuls à vivre cette situation. Parce que partager son quotidien c’était contribuer à la prise de conscience générale…
Ces témoignages ont permis de mieux faire connaître le rôle des infirmiers, aux quatre coins de la France, exerçant en établissement ou en ville, au plus près des patients pendant cette crise. Alors que l’épidémie se poursuit mais que les infirmiers continuent d’assurer toutes leurs missions quotidiennes, nous avons souhaité poursuivre cette série de témoignages, qu’ils soient ou non liés à la lutte contre le virus. Vous pouvez tous les retrouver sur notre chaine Youtube.
Témoignage d’un Collectif d’infirmiers libéraux, Bouche du Rhône
06/04/2020
Comment se passe votre quotidien ?
« Trois mots résument bien notre quotidien : « coordination », « action » et « travail ».
Depuis la création de notre association d’infirmiers libéraux ADIDEL, il y a quelques années, nous avons appris à nous connaitre et à nous fédérer. L’adhésion à la CPTS du pays d’Arles de certains d’entre nous, la création de notre MSP O2, ont été porteurs dans la mise en place de l’organisation des soins en période de pandémie. Les professionnels des bureaux de ces associations se sont immédiatement mobilisés et ont permis un énorme travail de coordination dans les actions à mettre en place : centre de consultations externalisées, mise en place du télésuivi et de tournées COVID pour nos patients chroniques. Nous nous sommes partagé le travail pour être les plus efficaces possible. Nous avons utilisé les moyens de communication à notre disposition, nos réseaux personnels et avons travaillé avec les différents professionnels acteurs du territoire. La communication est essentielle. Ainsi, chacun des professionnels a pu se positionner comme volontaire et/ou bénévole. Une belle chaine de solidarité !
Un autre maillon essentiel est notre municipalité, très réactive, qui a mis à disposition une salle et du matériel pour nos actions, et fait l’appel aux dons à des particuliers et entreprises. Nous remercions tout le monde ! »
Quelles difficultés rencontrez-vous ?
« Dans nos tournées, nous avons de nouvelles missions qui s’ajoutent à nos missions habituelles. Nous avons tout d’abord un énorme travail de prévention et d’éducation à faire, notamment avec le rappel des gestes barrières, auprès de nos patients chroniques et de leur entourage. La peur du virus et le confinement les angoissent et nous devons être à leurs côtés pour les rassurer. Par rapport à leur fragilité déjà existante, nous sommes plus que vigilants quant à la surveillance de leur état général et l’apparition des symptômes COVID.
En l’absence des services d’aide à la personne, nous aidons également nos patients au quotidien : imprimer des attestations, sortir des poubelles, amener le pain… Pour effectuer ces tâches, nous manquons de matériel, pour nous protéger nous, comme pour protéger les autres. Nous avons mis en place un « Système Débrouille » en faisant appel à tout le monde : CPTS, mairies, soignants, particuliers… Nous mutualisons les ressources, mais les stocks sont largement insuffisants. Nous rencontrons également des difficultés administratives. Nous recevons beaucoup d’informations de toutes parts, il y a beaucoup de tri à faire pour garder l’essentiel et pour être efficaces. La formalisation des protocoles, des fiches outils aurait été impossible sans le petit groupe porteur des soignants déjà sensibilisés à cette gymnastique. Nous ne sommes pas juristes, juste des professionnels soignants volontaires et certains bénévoles. Nous apprenons à mesure que les difficultés se présentent.
Le temps aussi, nous en manquons. Nous sommes tous en mode COVID, nous avons tous à cœur de bien faire notre métier. Si nous ne le faisons pas maintenant nous ne le ferons jamais. Mais nous devons aussi arriver à prendre du temps pour nous reposer et pour continuer à être efficaces pour dans notre travail, mais aussi être là pour les nôtres. »
De quoi auriez-vous besoin ?
« Nous avons besoin de matériel ! Il est évident que le manque d’EPI est un frein à la prise en charge des patients COVID nécessitant des soins présentiels. Notre centre a des stocks pour 15 jours de fonctionnement uniquement, et nous avons fait le choix de nous consacrer à nos patients chroniques pour les soins et de suivre les patients COVID avec du télésuivi qui pourrait être développé à grande échelle. Si nous tombons malades, qui s’occupera de nos patients en ville, avec des suivis de plus en plus lourds puisque beaucoup de soins sont annulés à l’hôpital ?
Nous avons aussi besoin d’être écoutés, entendus et compris par nos instances. Sur le terrain, nous avons déployé des trésors d’ingéniosité, d’énergie. Nous sommes las d’être obligés de justifier notre existence, la qualité de nos soins à domicile, prouver notre valeur. Nous sommes sur le terrain, à domicile, tous les jours, dimanche et jours fériés compris, 365 jours par an, et ce toute l’année, pas seulement en période de crise sanitaire ! Ne nous oubliez pas lorsque la crise sera terminée ! »