La loi du 27 juin 2025 : une reconnaissance législative majeure pour la profession infirmière

Le Conseil national de l’Ordre des infirmiers salue cette avancée mais appelle à une publication rapide des décrets d’application
La loi n°2025-581 relative à la profession d’infirmier, promulguée le 27 juin 2025, consacre pour la première fois dans le droit français un véritable statut législatif de l’infirmier. Ce texte modifie en profondeur plusieurs articles du Code de la santé publique et du Code de la sécurité sociale. Il donne une base légale nouvelle à des pratiques jusqu’ici encadrées de manière parcellaire ou contestée.
Le Conseil national de l’Ordre des infirmiers salue cette avancée historique, qui répond à des revendications de longue date de la profession, mais restera extrêmement attentif à la parution des décrets et arrêtés d’application, sans lesquels les innovations prévues par la loi resteraient inopérantes.
→ Le parcours de la loi
Déposée le 3 décembre 2024 par la députée Nicole Dubré-Chirat et Frédéric Valletoux, avec le soutien de plusieurs collègues issus de différents groupes, la proposition de loi a bénéficié d’un large consensus parlementaire. Adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 10 mars 2025, puis par le Sénat le 5 mai, elle a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire le 3 juin. La version définitive a été validée par l’Assemblée nationale le 10 juin, puis définitivement adoptée à l’unanimité par le Sénat le 19 juin 2025. Le gouvernement avait engagé la procédure accélérée dès le 10 mars.
Ce que la loi change juridiquement
La consultation infirmière est désormais fondée en droit.
L’article 1er de la loi permet d’exclure explicitement la consultation infirmière du champ de l’exercice illégal de la médecine, dès lors qu’elle est réalisée dans des conditions définies par décret.
→ Ce changement apporte une sécurisation juridique aux infirmiers, notamment libéraux, qui réalisaient déjà des consultations dans certaines structures sans fondement légal clair. La parution du décret d’application sera cependant déterminante pour préciser le périmètre exact de ces consultations.
L’infirmier obtient un pouvoir de prescription autonome, inédit mais limité
Cette loi permet désormais à l’infirmier de prescrire de manière autonome certains produits de santé et examens, sans prescription médicale préalable.
La liste de ces produits et actes sera fixée par arrêté ministériel, sur avis de la HAS et de l’Académie de médecine. L’absence de réponse sous trois mois vaudra avis favorable.
→ Il s’agit d’une modification substantielle du régime des professions de santé, introduisant un pouvoir prescripteur propre, jusqu’ici réservé aux professions médicales ou à certaines professions à statut spécifique (sage-femme, IPA).
Un rôle propre mieux défini et un accès direct juridiquement consolidé
La loi codifie le rôle propre de l’infirmier, qui comprend désormais l’orientation du patient, la prévention, l’éducation à la santé, mais aussi la participation aux soins de premier recours.
→ L’accès direct dans le cadre du rôle propre est expressément prévu : les patients pourront consulter un infirmier sans prescription médicale dans des conditions à définir. Cette reconnaissance, bien qu’attendue, nécessite des textes d’application clairs pour éviter les conflits de compétence ou les zones grises dans le parcours de soins.
La reconnaissance législative de la science infirmière
La loi inscrit pour la première fois les sciences infirmières dans le Code de la santé publique. Elle aligne ainsi la France sur les standards internationaux en matière de recherche en soins infirmiers.
→ Concrètement cela permet d’ouvrir un cadre structurant pour le développement de la recherche infirmière, de faciliter l’accès aux financements publics et à la création de postes universitaires dédiés et d’améliorer la pratique des soins.
Une obligation de négociation sur les rémunérations
La loi prévoit explicitement l’ouverture de négociations conventionnelles pour adapter la rémunération aux nouvelles compétences, à la pénibilité du métier et à la diversité des lieux d’exercice.
→ Cette disposition a valeur de principe législatif mais ne crée pas de droit individuel à revalorisation. Elle constitue néanmoins une base solide pour les discussions à venir avec l’Assurance maladie.
L’infirmier coordonnateur enfin reconnu par la loi
L’article 2 introduit, pour la première fois, une référence à l’infirmier coordonnateur (IDEC) dans le Code de l’action sociale et des familles.
→ Jusqu’alors, cette fonction, pourtant essentielle en EHPAD, n’était ni définie ni encadrée juridiquement. Un décret devra préciser les compétences, modalités de nomination et articulation hiérarchique de cette fonction.
La spécialisation des infirmiers scolaires
L’article 5 reconnaît une spécialité infirmière autonome pour les professionnels de l’Éducation nationale, qui pourrait faire l’objet d’une formation diplômante de niveau master (niveau 7).
→ C’est une reconnaissance statutaire et professionnelle forte, qui aligne leur statut sur celui des autres spécialités réglementées comme les IADE, IBODE et IPDE.
Reprise d’activité : un régime juridique encadré
L’article 4 impose une déclaration obligatoire, auprès du conseil départemental de l’Ordre, après 3 ans d’interruption d’exercice, et introduit une évaluation de compétences pour les interruptions supérieures à 6 ans.
→ Cette évaluation n’est pas systématique mais pourra conditionner la reprise d’activité. Il s’agit d’une évolution notable du régime ordinal, renforçant la sécurité des pratiques de soins.
Expérimentation encadrée d’une autonomie élargie
L’article 6 autorise, à titre expérimental dans cinq départements, des infirmiers à réaliser des actes hors rôle propre. L’expérimentation devra être évaluée dans un rapport au Parlement. Elle repose sur une délégation explicite par décret et nécessite la transmission d’un compte rendu au médecin traitant.
→ Cela s’inscrit dans une logique de réorganisation des soins primaires et de décloisonnement des pratiques. Les modalités de cette expérimentation seront arrêtées par Décret.
Pratique avancée élargie aux infirmiers spécialisés
L’article 7 élargit les conditions d’exercice, en pratique avancée des infirmiers dans certaines structures de santé publique et médico-sociales. Il autorise explicitement leur intervention dans de nouveaux contextes comme la santé scolaire, la protection maternelle et infantile ou encore l’aide sociale à l’enfance, en précisant les modalités de travail en équipe pluriprofessionnelle.
→ Les infirmiers anesthésistes (IADE), de bloc opératoire (IBODE) et puériculteurs pourront exercer en pratique avancée selon des modalités adaptées à leur spécialité. Un décret d’application viendra préciser les conditions de mise en œuvre de la pratique avancée pour ces spécialités.
Indemnités kilométriques : une définition nationale de l’agglomération
L’article 8 clarifie les règles de facturation des IK, en imposant une définition nationale de l’agglomération.
→ Cette mesure corrige des inégalités territoriales fréquentes dans les contrôles de l’Assurance maladie, et renforce la sécurité juridique des infirmiers libéraux.
Textes réglementaires attendus
La mise en œuvre effective de cette réforme suppose la publication rapide des textes d’application suivants
Décrets :
- Définition des domaines d’activité et compétences infirmiers
- Cadre d’exercice de la consultation infirmière
- Pratique avancée des IADE, IBODE et IPDE
- Missions et conditions de nomination de l’infirmier coordonnateur
- Modalités de déclaration d’interruption d’activité et d’évaluation de compétences
- Organisation de l’expérimentation d’actes hors rôle propre
- Mise en œuvre de la spécialité: infirmière de l’Éducation nationale
Arrêtés :
- Liste des produits de santé et examens complémentaires prescrits par les infirmiers
- Liste des actes et soins réalisables dans chaque domaine d’activité
L’avis du Conseil national de l’Ordre des infirmiers
Le Conseil national de l’Ordre des infirmiers se félicite de la portée symbolique et juridique de cette réforme. Elle acte un changement profond de paradigme : l’infirmier est reconnu comme professionnel de santé autonome, formé, responsable et acteur à part entière du système de soins.
L’Ordre veillera toutefois à ce que la rédaction des textes réglementaires soit conforme aux attendus de la profession, garantisse la sécurité des patients, et évite toute forme de dévoiement ou de restriction excessive des principes posés par la loi.
Vous pouvez retrouver le texte promulgué dans son intégralité, juste ici.
Consultez la version PDF du communiqué.