Communiqué de presse

Accès aux soins : les incertitudes sur la démographie infirmière pèsent sur les politiques publiques et la santé des Français

Publié le 20 octobre 2023
Mis à jour le 27 octobre 2023
Accès aux soins : les incertitudes sur la démographie infirmière pèsent sur les politiques publiques et la santé des Français

Alors que la population infirmière est présente actuellement sur les 1663 bassins de vie du territoire français et qu’elle est reconnue comme une des professions les plus accessibles pour les soins du quotidien [1], l’Ordre National des Infirmiers (ONI) souhaite anticiper les besoins infirmiers pour faire face au vieillissement de la population et à la hausse des maladies chroniques. Ainsi, à partir de projections démographiques inédites, il apparaît que selon les scénarii, la population infirmière va croître entre 37,5% et 61,7% d’ici à 2040 face à des besoins qui eux vont augmenter a minima de 54%. Au regard de ces incertitudes, et afin de ne pas reproduire les erreurs du passé sur la démographie médicale, l’ONI formule un certain nombre de propositions pour anticiper le choc démographique à venir et les besoins en santé.

[1] Etude Ouest-France / Harmonie Mutuelle : 26% des répondants jugent très facile l’accès aux soins quotidiens avec les infirmiers ; 56% assez facile. Des résultats loin devant d’autres professions de santé.

Selon les scénarii, la population infirmière devrait atteindre 693 000 ou 815 000 professionnels en 2040
 

Réalisées par Olivier Lacoste, géographe spécialiste des questions de santé, ces projections démographiques ont pour point de départ les 504 000 infirmiers inscrits à l’Ordre national des infirmiers en septembre 2023. Elles prennent en compte plusieurs paramètres :

  • Les capacités d’accueil année après année des instituts en formation en soins infirmiers : 38 162 étudiants en soins infirmiers ont été admis en 2023/2024.
  • Le taux d’attrition de 0,75% observé par l’ONI correspondant à des arrêts d’exercice avant le départ à la retraite. En effet, même si la période d’activité augmente, nous remarquons un arrêt de l’exercice avant 64 ans.
  • Les taux d’obtention de diplôme en fin d’études :
    60,8 % selon une étude du CEFIEC de février 2023 (pris en compte dans la projection pessimiste)
    80,4 % selon une étude de la DREES de mai 2023 (pris en compte dans la projection optimiste).

En combinant ces critères, il apparaît qu’en 2040, la population infirmière devrait atteindre 693 000 personnes dans un scénario pessimiste ou 815 000 personnes dans un scénario plus optimiste, bien en-deçà d’une projection non corrigée qui prévoit 988 000 infirmiers.

Des besoins infirmiers qui pourraient croitre de 54% d’ici à 2040

Dans le même temps, d’ici à 2040, la population âgée de 65 ans et plus devrait croître de 31 % conduisant à un ratio d’accompagnement infirmier passant de 3 pour 100 habitants de plus de 65 ans en 2023à 3,7 en 2040 dans la version pessimiste et à 4,3 dans la version optimiste.
Néanmoins, ce ratio ne prend pas en compte la hausse des besoins infirmiers qui pourraient augmenter de 54% pour soigner cette population plus âgée et plus dépendante et les personnes atteintes de maladies chroniques plus répandues.
Une telle hausse des besoins laisse à penser que la population infirmière ne sera pas suffisante pour soigner correctement l’ensemble des Français.


Les propositions pragmatiques de l’ONI pour anticiper les besoins infirmiers
Face à ce constat et afin que les infirmiers puissent continuer à jouer un rôle central dans l’accès et la continuité des soins, l’ONI préconise un certain nombre de propositions :

1. Etablir des données statistiques fiables pour piloter les politiques publiques
L’Etat et les professionnels doivent pouvoir s’appuyer sur des données démographiques les plus précises qui soient afin de concevoir des politiques adaptées aux besoins de la population.
Un des enjeux majeurs est d’anticiper l’évolution de la profession et de prendre en compte les évolutions de la relation au travail.
L’ONI rappelle, par ailleurs, que tout infirmier, dès lors qu’il est diplômé - et peu importe son secteur d’exercice (hôpital public, établissement médico-social, libéral, etc.) - a l’obligation de s’inscrire à l’Ordre.


2. Créer des places d’IFSI selon les besoins de la population
Le 26 avril dernier, dans la feuille de route qui devait marquer les « 100 jours d’apaisement »,  la Première ministre, Elisabeth Borne, a annoncé l’ouverture de 2 000 places supplémentaires dans les IFSI. Cette mesure est une très bonne chose. Néanmoins les places en IFSI sont jusqu’à présent déterminées selon la capacité d’accueil des instituts. Pour être certain d’avoir le nombre de professionnels suffisant pour prendre en charge les Français, il serait préférable de prévoir des places de formation selon les besoins de la population.


3. Instaurer un système de tutorat pour accompagner les jeunes élèves de leur formation à leurs premières années d’exercice
30% des étudiants en soins infirmiers arrêtent en cours de formation. Pour répondre à cette problématique d’abandon, l’ONI préconise la mise en place d’un système de tutorat de l’IFSI aux premières années d’exercice. Le métier d’infirmier est parfois très dur ; il s’agit de mieux accompagner les vocations, et ne plus laisser les étudiants en soins infirmiers démunis face à des situations humaines qui peuvent être compliquées.

4. Travailler à l’attractivité du métier pour attirer des professionnels et pour maintenir les professionnels en activité
Cette proposition revêt plusieurs aspects dont :

  • L’accompagnement de la montée en compétences des infirmiers au sein d’un exercice coordonné avec les médecins et les professions paramédicales. C’est ce qui doit irriguer les travaux sur le décret « infirmier » qui ont débuté récemment.
  • L’instauration de ratios d’accompagnement de professionnels par patients pour améliorer les conditions de travail des professionnels et in fine la qualité des soins aux patients.
  • La création de vrais parcours de carrières. En ce sens, et à titre d’exemple, l’ouverture d’une section en sciences infirmières au sein du Conseil national des universités va ouvrir de nouvelles perspectives.
  • Et enfin, une réflexion sur la création d’une filière infirmière dédiée à la prévention et à la santé publique au plus proche des patients.


Pour Patrick Chamboredon, Président de l’Ordre Nationale des Infirmiers : « Ces projections démographiques ont pour objectif de contribuer au débat sur l’organisation du système de santé en France. Il s’agit avant tout d’anticiper les besoins en soins des Français et de s’assurer qu’ils recevront des soins quotidiens de qualité. Présents actuellement sur l’ensemble du territoire, les infirmières et infirmiers ont un rôle majeur dans l’accès et la continuité des soins. Leur rôle sera encore plus crucial auprès d’une population qui va devenir plus âgée et qui souhaitera tout de même vieillir chez elle. Aussi, il est indispensable de mieux reconnaître leurs compétences dans le parcours de soins en leur donnant plus d’autonomie. »

Annexes :

La projection de la population infirmière en 2040

La projection de la population infirmière en 2040

Projection sur les effectifs infirrmiers pour 100 personnes âgées de 65 ans et plus

Projection sur les effectifs infirmiers pour 100 personnes âgées de 65 ans et plus

 

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